Comment favoriser une relation fraternelle entre nos enfants et nos beaux-enfants ?
- Fanette, Coach & Educ
- 15 mars 2022
- 10 min de lecture
Dernière mise à jour : 23 août 2023
J'ai récemment partagé un article sur la rivalité fraternelle au sein des familles dites « classiques », où les enfants grandissent avec leurs parents biologiques. Pour résumé, les conflits entre frères et sœurs sont inévitables et permettent d’intégrer des compétences sociales de base. Pour que ces expériences relationnelles soient constructives, le parent doit accompagner ses enfants dans l'expression de leurs sentiments, dans le respect de soi et de l’autre, au sein d’un environnement bienveillant et dans un cadre sécurisant. C'est une mission qui s’avère parfois usante et complexe, surtout lorsque cela nous replonge dans des souvenirs d’enfance douloureux ou que cela prend des proportions démesurées au quotidien.
La rivalité fraternelle trouve son origine dans le besoin d’exclusivité de l’enfant, qui cherche l’attention et l’amour de ses parents. C’est la peur du manque et le sentiment de la perte qui entrent en jeu et qui déclenchent des tempêtes entre nos enfants. Parfois ces conflits dégénèrent et mettent à mal le climat familial. Dans certaines situations, l’adulte n’a pas d’autres choix que d’intervenir.
Dans cet article, je vous propose 10 pistes d’action pour retrouver le chemin d’une harmonie familiale (cf article « Rivalité fraternelle : Quand la relation entre nos enfants ne correspond pas à notre idéal »).
Et maintenant, si on se penchait sur la notion de lien fraternel en famille recomposée ?
En 2020, selon l’INSEE [1] 9% des enfants mineurs vivent dans une famille recomposée et 25% dans une famille monoparentale (et donc avec possible recomposition dans le futur). Ici, je vais m’intéresser à la construction des liens au sein d’une fratrie recomposée. Accueillir et accepter un frère ou une sœur de sang n’est pas toujours aisé, alors qu’en est-il au sein de cette fratrie élective ? Quel lien peut-on créer lorsque l’on est libre de se considérer comme frère et sœur, lorsque l’on peut décider de s’apprivoiser ou non ? Quel rôle les adultes peuvent-ils jouer pour favoriser la naissance d'une relation?
Tout d’abord, je vous exposerai les divers modèles de famille recomposée. Ensuite, j’évoquerai les enjeux particuliers autour de la mise en place d’une relation fraternelle au sein de ce modèle familial particulier. Enfin, je décrirai les conditions nécessaires pour qu’un lien puisse s’établir entre de possibles frères et sœurs de cœur.

Préambule - L’enjeu de la réussite
Construire une histoire d’amour n’est pas aisé, mais lorsqu’il faut en plus composer avec le passé de l’un et de l’autre, d'éventuelles blessures et culpabilité, jongler entre les différents modes de garde, slalomer entre les jugements plus ou moins bienveillants de l’entourage familial et amical, sans oublier la gestion des ex… il y a de quoi vouloir s’enfuir !
Le nouveau couple se construit à travers une pression, qu’elle soit conscientisée ou non, celle de la réussite. Injonction sociétale ou personnelle, cette petite phrase peut être omniprésente : « Tu t’es déjà planté.e une fois, alors pas deux ! ».
Lorsque l’on a vécu une rupture, souvent perçue comme un échec, que l’on ait subi la séparation ou que l’on en soit à l'initiative, réussir son couple devient un enjeu majeur. Ce n’est déjà pas simple lorsqu'il n'y pas d'enfant en jeu, alors, lorsque nos petits se retrouvent au centre de cette tornade émotionnelle, cette pression de la réussite est décuplée.
L’envie que tout se passe au mieux entre chaque membre de cette nouvelle famille, symbole d’un nouveau départ, est forte. Il est donc préférable de se préparer, pour mettre toutes les chances de son côté et éviter de tomber dans certains pièges. Alors, comment favoriser l’instauration des liens entre nos enfants issus d’un ancien couple et/ou ceux issus du nouveau couple ?
Quasi, demi, frères et sœurs de cœur : de quoi parlons-nous ?
Comment se définissent des liens fraternels? Irène Thèry [2], sociologue spécialisée dans le domaine du droit, de la famille et de la vie privée, définie la fratrie comme « ceux qui partagent le même quotidien, comme ceux qui sont présents sur les week-ends, les vacances, etc.. On parle souvent dans ces familles de circulation d’enfant, car les enfants vont alternativement d’un foyer parental à l’autre (…) particulièrement aujourd’hui avec l’augmentation des résidences alternées ».
La recomposition familiale peut former un système plus ou moins complexe. Peuvent vivre ensemble des frères et sœurs de sang, que l’on appelle aussi germains (issus des mêmes parents biologiques), avec une différenciation entre consanguins (lorsqu’ils ont le même père, mais pas la même mère) ou utérins (lorsqu’ils ont la même mère, mais pas le même père), que l’on appelle plus communément les demi-frères et sœurs.
Et puis, il y a les quasis, ceux qui n’ont aucun lien du sang, mais qui ont grandi ensemble. Si un enfant naît de ce nouveau couple qui avait déjà des enfants issus de leur précédente union, ce dernier jouera le rôle de trait d’union, appelé aussi « enfant pivot » par Aude Poittevin [3], entre ses quasis frères et sœurs. Il y a donc de nombreuses combinaisons possibles, qui complexifient le lien fraternel à l’intérieur de ces familles recomposées.
Les facteurs en jeu dans l’installation d’un lien fraternel
Thierry Guinche [4] expose et valide plusieurs hypothèses qui influenceraient le sentiment d’être frère et sœur. Précisons que ces hypothèses sont étroitement liées les unes aux autres :
Le rythme des périodes de cohabitation : garde alternée, résidence principale, un week-end sur deux, moitié ou totalité des vacances… Les enfants sont-ils à votre domicile les mêmes semaines ? Partagent-ils un week-end ? Le calendrier des gardes vous donne-t-il l’opportunité de partir en vacances tous ensemble ?
La durée de la recomposition et l’âge des enfants : plus ils vivent longtemps ensemble, plus ils se sont connu en bas-âge, plus sera créer de l’« en commun », plus le lien entre eux existera. Ont-ils été dans la même école ? Les vêtements ont-ils été utilisés par plusieurs membres de la fratrie ? Partagent-ils la même chambre ? Ont-ils les mêmes amis, les mêmes centres d’intérêt ? Sont-ils inscrits dans la même activité extra-scolaire ?
La qualité des moments échangés : lorsque l’ensemble de la fratrie est réuni, parvenez-vous à créer des temps de partage ? Des moments qualitatifs où l’on prend plaisir à être ensemble ?
La constellation de la famille est aussi une donnée influente : les enfants ont-ils des âges rapprochés ou non ? Y a-t-il un enfant pivot dans la fratrie ? La recomposition familiale a-t-elle modifiée l’ordre de naissance des enfants ? L’aîné a-t-il gardé la même place que dans sa fratrie d’origine ou pas ? Idem pour le benjamin ? Ces données peuvent considérablement modifier la façon dont les enfants s’accueillent les uns les autres et dont ils acceptent la recomposition familiale de façon plus générale.
Le désir du nouveau couple de former une famille unie permettra la création du lien entre leurs enfants respectifs. De quelle manière vous investissez-vous dans les temps où l’ensemble de votre famille est réuni ? Créez-vous des activités communes ? Quels messages de cohésion et d'appartenance leur transmettez-vous ?
La relation entre le bel-enfant et son beau-parent semble aussi influencer le lien fraternel, notamment pour préserver le lien à l’âge adulte.
La façon dont on présente « l’enfant de l’autre » : Comment les enfants sont encouragés par leurs parents à se nommer entre eu ou lorsqu’ils expliquent leur situation familiale à des personnes extérieures ? Demi ? Quasi ? Frère et sœur de cœur ? L’enfant de… ? Par le prénom ? Les mots choisis ne sont pas anodins et peuvent favoriser ou non un sentiment d’appartenance.
A cela s’ajoute le vécu de l’enfant quant à la séparation de ses parents, le possible conflit de loyauté, les différences des règles éducatives entre les différents lieux de vie...
Comme l’exprime très bien la psychologue Béatrice Copper-Royer, « Pourquoi serait-ce si facile de faire vivre sous le même toit des enfants qui arrivent d'horizons différents, avec des références éducatives souvent très éloignées et avec parfois en prime l'angoisse de trahir l'autre parent ? [5]»
Concernant la rivalité fraternelle au sein d’une famille recomposée, ce qui apparaît aussi dans les travaux de T. Guinche, c’est qu’elle dépend de l’implication du beau-parent dans l’éducation de ses beaux-enfants, qui fait apparaître ou non cette peur du manque de nourriture affective évoquée au début de l’article. De plus, plus les enfants se sentent frère et sœur (ce vers quoi chaque famille recomposée tend pour avoir un sentiment de réussite de leur « recomposition »), plus ils rencontreront les mêmes difficultés autour de la rivalité fraternelle que les familles dites classiques. En clair, c’est un peu le revers de la médaille !
Comment favoriser la création des liens entre nos enfants et nos beaux-enfants ?

Comme je vous l’ai exposé ci-dessus, le lien fraternel dans une famille recomposée dépend de nombreux facteurs. En tant que parents et beaux-parents, nous avons un pouvoir d’action sur certains éléments :
1. Le temps est notre meilleur ami
Il est important de laisser aux enfants le temps de s’apprivoiser et de décider de ce qu’ils veulent être les uns pour les autres. Il ne serait pas constructif de forcer le lien.
Agnès Martial, anthropologue, écrit que « La complicité entre frères sera lente à construire car ils ne partagent pas des habitudes familiales. Il faudra pour cela créer des rituels de groupe favorisant les rencontres. Ce nouveau lien de parenté, de partage de mêmes souvenirs et expériences ne sera possible que si le parent absent l’autorise. Sinon il en résultera une simple cohabitation hostile ou indifférente. »
Il faut donc laisser à chaque adulte présent dans l’environnement de l’enfant de se faire à la recomposition familiale. Il peut s’agir des ex-compagnons, mais aussi de la belle-famille. Chacun a besoin d’un temps différent pour faire le deuil, digérer, accepter. Et cela aura une influence sur l’établissement des liens au sein de la famille recomposée. N’oublions pas que les enfants sont des éponges émotionnelles... ils doivent donc se sentir autorisés à s'épanouir dans l'ensemble de leurs lieux de vie.
2. La création de moments de partage
Il est important de favoriser les repas pris tous ensemble. Les adultes doivent permettre à la parole de circuler, à ce que chacun s’écoute et se respecte autour de la table. Des repas conviviaux, sont influents pour créer un lien de proximité dans la fratrie, qui se retrouvera à l’âge adulte. Ce sont parfois les rares moments où la tribu se réunit, notamment avec les adolescents.
Les adultes sont aussi en charge de proposer des activités et des vacances communes, dès que cela est possible. Ce sont les souvenirs partagés qui permettent de créer un sentiment d’appartenance. Bien entendu, il faudra que ces temps soient amenés progressivement. Il ne serait pas pertinent d'imposer à des enfants ou des ados de partir deux semaines en vacances tous ensemble dans le cadre de premières vacances. Les mots d’ordre doivent être l’écoute, la bienveillance et la créativité.
3. Laisser les enfants choisir la façon dont ils se nomment les uns les autres
Au même titre que nous ne pouvons pas les forcer à s’aimer, il serait contre-productif de les obliger à s’appeler par des petits noms si leur cœur n’est pas connecté. Cela n’appartient pas aux adultes. Par contre, il est évident que si le nom choisi est péjoratif, il faudra intervenir. Le respect au sein d’une famille n’est pas une option, qu’elle soit recomposée ou non.
4. Les mêmes règles pour tous
Il est primordial que le couple harmonise ses valeurs éducatives et que chaque enfant soit confronté au même cadre. Cela évite le sentiment d’injustice, de jalousie et favorise le sentiment d’intégration.
5. La communication est la base de toutes les relations, et je dirai encore plus dans une famille recomposée. La parole doit circuler librement, chacun devrait pouvoir exprimer ses attentes, ressentis et émotions. Il peut être intéressant de créer régulièrement des temps de réunion de famille pour inciter des temps d’échange et de mises en commun.
6. Des temps privilégiés et individualisés entre chacun des membres de la famille recomposée. Bien sûr, l’idée n’est pas de forcer les choses. Mais, il est important de le proposer et de rester attentif aux demandes des enfants et des beaux-enfants. Passer du temps en tête à tête avec son enfant ou son bel-enfant permet de créer une relation plus intime, de mieux se connaître, de se découvrir dans un autre contexte. Si les besoins de chacun sont remplis, alors le lien entre cette fratrie recomposée pourra se faire plus sereinement.
7. Un espace intime pour chacun
Dans la mesure du possible, il est important que chacun des membres de votre famille puisse avoir un lieu à lui, où il pourra se ressourcer s'il en éprouve le besoin. Si mes besoins ne sont pas nourris, je ne suis pas en capacité de m’offrir au monde de manière optimale. La notion de territoire n’est pas à prendre à la légère dans la recomposition familiale.
8. Penser l’accueil de l’enfant qui revient de chez son autre parent.
Si l’enfant se sent attendu, il sera plus enclin à créer du lien avec chaque membre de sa famille. Cela peut se traduire de diverses manières : un repas qu’il apprécie pour fêter son arrivée, une chambre rangée, une pluie de bisou, un intérêt sur la semaine qu’il a passé chez l’autre parent, etc.
Ces 8 clés peuvent faire la différence dans l’installation d’un lien entre vos enfants et vos beaux-enfants, mais aussi pour favoriser un climat harmonieux dans votre maison. Enfin, il me semble important de rappeler que rien ne sert de se forcer, que l’on soit adulte ou enfant, car les cœurs ressentent lorsque cela sonne faux. S’il vous est difficile de mettre en place ces astuces, il faudra peut-être aller fouiller au fond de vous-mêmes pour découvrir ce qu’il se joue en vous.
Parfois, les difficultés nous semblent insurmontables, alors qu’il suffit de mettre en mots pour s’apaiser et trouver des solutions qui nous conviennent. Réussir sa famille recomposée est un défi de tous les jours. Mais quelle satisfaction lorsque l’on voit germer les graines que l’on a semé ! Et quel bonheur de sentir une tribu unie autour de nous…
Vous êtes concernés par les multiples problématiques de la famille recomposée ? Vous vous sentez seule et aimeriez partager vos expériences parfois difficiles ou au contraire vos petites victoires ? Je peux organiser des groupes de parole en Haute-Savoie sur cette thématique.
Vous êtes une belle-mère en difficulté pour trouver votre place dans cette nouvelle configuration familiale ? Vous avez l'impression que vos valeurs sont mises à mal ? Vous ne parvenez pas à poser vos limites ? Vous avez le sentiment de tout faire pour que votre famille s'épanouisse et les résultats ne sont pas au rdv ? L’ambiance chez vous est à l’orage et vous ne savez plus comment améliorer les choses ? Je propose des coachings individuels qui sont possibles à distance ou des accompagnements familiaux.
N’hésitez pas à me contacter pour faire le point sur votre situation personnelle et familiale.
Fanette, Coach&Educ 🌱
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Merci !
[1] https://www.insee.fr/fr/statistiques/5422681 [2] I. Thèry, Le beaux parent dans les familles recomposées, rôle familial, Statut social, Statut juridique, rapport de recherche pour la C.N.A.F., 1991. [3] A. Poittevin, Enfants de familles recomposées, sociologie des nouveaux liens fraternels. Presses Universitaires de Rennes, Collection le sens social, 2006. [4] T. Guinche, « Fratrie recomposée : fratrie de sang et fratrie de cœur, Un statut du tiers applicable aux quasi-frères/sœurs ? », Maîtrise de Sciences et Techniques « Intervention Sociale et Développement », Université de Caen, Année de soutenance 2009. [5] ACHEKIAN Audrey, « Famille recomposée : comment apaiser les tensions ? », mis à jour le 14 mai 2013, In Journaldesfemmes.com, p 5.
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